Le podcast : média d’authenticité à l’ère de la défiance ?

1 – DE QUOI PARLE-T-ON ?
A – Le podcast natif, c’est comme la radio ?
Le podcast natif est un contenu audio numérique, créé spécifiquement pour être diffusé en ligne et écouté à la demande. Contrairement aux émissions de radio traditionnelles rediffusées, il est conçu dès l’origine pour une consommation délinéarisée, permettant à l’auditeur de choisir quand et où l’écouter.
B – Le vodcast, une évolution récente à la frontière entre le format audio et la vidéo
Le vodcast (contraction de « video podcast ») représente l’évolution visuelle du podcast. Il s’agit d’un contenu audio enrichi d’une dimension vidéo, conservant les codes conversationnels du podcast tout en y ajoutant l’aspect visuel qui permet d’observer les expressions, les gestes, l’environnement des intervenants et parfois des éléments contextuels ajoutés au montage (images, vidéos, graphiques…).
2 – UN MEDIA QUI A LE VENT EN POUPE
A – Une tendance de fond qui émerge aux États-Unis :
En 2008, seulement 9% des Américains (12 ans et +) écoutaient au moins un podcast mensuel. Jusqu’en 2013, la progression est restée timide avec 12% d’auditeurs mensuels. Mais à partir de 2014, ce média a connu une véritable envolée, multipliant sa part d’audience par 3,5 en l’espace de dix ans pour atteindre 42% d’auditeurs mensuels en 2023.
Fait marquant, les jeunes (-34 ans) consomment massivement ce type de contenu sans grande variation récente (56% d’écoute mensuelle en 2021 contre 59% en 2024). En revanche, une progression spectaculaire est observée chez les 35-54 ans : de 39% en 2021 à 55% en 2024, soit +16 points en seulement trois ans ! Les plus âgés demeurent moins réceptifs avec 27% d’écoute mensuelle en 2024.
Un format qui aurait favorisé l’élection de Donald Trump en 2024 ? Si la réponse définitive reste difficile à établir, les chiffres sont éloquents : quand Kamala Harris touchait en moyenne 6,4 millions d’Américains via ce type de contenu chaque semaine, Trump en atteignait près de quatre fois plus (23,5 millions par semaine).
B – Le boom du podcast en France sur les 5 dernières années
Bien que la consommation de podcasts en France ait été très en retard jusqu’en 2019 par rapport aux États-Unis (13% d’auditeurs mensuels, soit presque autant qu’aux USA six ans plus tôt), le rattrapage a été fulgurant. Une première accélération s’est produite pendant la crise de la Covid-19 pour atteindre 20% d’auditeurs mensuels, soit +7 points en un an. Après une stabilisation en 2021 et 2022, la popularité du format a repris son ascension en 2023 (26% d’auditeurs mensuels, +5 points) et poursuit sa progression en 2024 (33% d’auditeurs mensuels, +7 points). Au total, entre 2019 et 2024, la consommation de podcasts audio a été multipliée par 2,5 et s’est intégrée dans les habitudes média régulières d’un Français sur trois.
Ce format versatile s’inscrit parfaitement dans le quotidien des auditeurs, que ce soit en déplacement ou en parallèle d’autres activités. 86% écoutent des podcasts pendant leurs trajets et, à domicile, ils sont tout autant (86%) à déclarer faire autre chose en même temps (tâches ménagères, sport ou promenade…).
Et le vodcast dans tout ça ? En France, les podcasts vidéo gagnent du terrain avec une consommation totale supérieure au podcast audio natif (42% d’auditeurs podcast audio dont 23% hebdomadairement contre 59% d’auditeurs de vodcast dont 32% hebdomadairement). Cette évolution accompagne la multiplication des contenus et plateformes de streaming ainsi que l’effritement de la consommation des médias linéaires, notamment la télévision.
3 – UN MÉDIA QUI RÉPOND AUX ASPIRATIONS D’AUTHENTICITÉ ET DE PROFONDEUR
A – Les Français sont à la recherche du vrai et du fond
La méfiance vis-à-vis du monde politique, des médias traditionnels, de la publicité et de la communication corporate des entreprises atteint des sommets :
- 55% des Français ont une mauvaise image de la publicité (2024)
- 62% se méfient des médias (contre 54% en 2023)
- 70% n’ont pas confiance dans la politique (2025)
- 74% estiment que la communication des entreprises manque de sincérité (2020)
Cette évolution est d’autant plus marquée que les frontières de la réalité se brouillent avec le développement fulgurant des contenus générés par l’IA, tant en qualité qu’en quantité : 47% des Français estiment déjà que l’IA dégradera la qualité des informations fournies par les médias.
En parallèle, de nouvelles tendances émergent sur les réseaux. Les jeunes générations, très exposées aux injonctions répétées de consommation sur les réseaux sociaux mais aussi confrontées à une baisse inédite de leur niveau de vie par rapport aux générations précédentes, commencent à développer de nouvelles pratiques, la débrouille et les conseils pour « faire mieux avec moins » prennent de l’ampleur.
Des tendances qui font écho à de nouveaux concepts de consommations construits autour de l’idée du ralentissement et qui prennent de l’ampleur ces dernières années. Ils favorisent le retour aux sources et la reconnexion à soi et se déclinent dans tous les secteurs (slow tourisme, slow food, slow design…). Ils touchent même le monde professionnel, avec par exemple des nouvelles générations beaucoup plus attentives à leur rapport au travail.
B – Le podcast, un vecteur d’authenticité
En opposition aux formats ultra-courts et percutants consommés sur les réseaux sociaux (TikTok, Instagram, shorts YouTube…), le podcast renoue avec le temps long en France :
- Les formats très courts sont délaissés : seulement 10% des auditeurs consomment des contenus de moins de 5 minutes.
- À l’inverse, les formats moyens (15-30 minutes) voire longs (plus de 30 minutes) trouvent une audience significative : respectivement 34% et 35% des auditeurs.
- En 2022, 80% des auditeurs considéraient que le podcast leur permettait de prendre le temps et 76% de se recentrer sur eux-mêmes.
- Le podcast est davantage associé aux notions de tolérance, de changement, de douceur, de confiance et d’honnêteté que les autres médias (TV, presse, réseaux sociaux).
Les contenus privilégiés sont majoritairement ancrés dans le réel : expériences de vie, documentaires, enquêtes, interviews, conseils et tutoriels, histoires vraies. Ils peuvent se décliner sur une variété de sujets : culture générale, actualité, histoire, musique, humour, faits de société.
Ils sont également fortement partagés : 71% des auditeurs discutent de ce qu’ils écoutent avec leurs proches, 38% choisissent leurs podcasts sur recommandation de leur entourage, et de plus en plus les écoutent en famille (21% contre 15% en 2023).
Le podcast se distingue clairement de la majorité des contenus publiés sur les réseaux sociaux et internet. Il est synonyme d’immersion et d’authenticité, à l’opposé des publications « inspirantes » sur LinkedIn, des avis biaisés d’influenceurs sur Instagram et des vidéos shorts formatées pour satisfaire les algorithmes sur YouTube.
Il se démarque également de la télévision et de la radio par la liberté qu’il offre de choisir ses sujets de prédilection et ses moments d’écoute. Cette flexibilité permet de s’affranchir de l’actualité brûlante et du commentaire instantané pour privilégier le fond, l’analyse et la compréhension.
CONCLUSION : Le podcast, antidote à l’infobésité et au manque d’authenticité ?
Face à une société submergée d’informations rapides et superficielles, le podcast s’impose comme une alternative de qualité qui répond aux aspirations profondes des Français. Sa progression fulgurante ces cinq dernières années, tant en France (+20 points d’audience) qu’aux États-Unis, témoigne d’un besoin fondamental : retrouver du sens, de l’authenticité et de la profondeur dans notre consommation médiatique.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les formats longs séduisent, les contenus ancrés dans le réel sont plébiscités, et le partage social autour de ces écoutes se développe. Dans un contexte où la défiance envers les médias traditionnels et la communication corporate atteint des records, le podcast offre un espace d’expression perçu comme plus sincère, plus honnête et plus nuancé.
Pour les entreprises et les communicants, l’opportunité est claire : investir ce terrain d’authenticité pour construire une relation de confiance durable avec leurs publics quels qu’ils soient. Non pas en transposant les codes de la communication traditionnelle, mais en embrassant véritablement l’esprit du podcast : prendre le temps, privilégier le fond, favoriser l’échange authentique.
Stay Tuned ! l’équipe de JANVIER approfondira prochainement ce sujet en explorant comment les marques, notamment au niveau local, et qu’elles que soient leurs cibles ou leurs objectifs, peuvent concrètement se saisir de l’opportunité que constitue le podcast dans leur stratégie de communication.